LES TRIBUS JUIVES
Cet exode forcé des tribus de Juda et Benjamin en Tunisie, consécutive à la destruction du Temple de Jérusalem par Titus, va connaître par la suite une évolution très particulière.
Comme le note l’historien allemand Marcus Fisher; "Ces juifs, déportés de l’autre coté de la Méditerranée en Tunisie, ne rejoignirent pas leurs coreligionnaires établis dans les cités…Eux qui venaient de faire une guerre acharnée aux romains ne voyaient pas sans un certain mépris leurs anciens coreligionnaires fraterniser avec ceux qu’ils considéraient comme leurs ennemis irréductibles…Ils allaient donc connaître un mouvement de repli sur soi".
"Ces descendants des tribus de Juda et Benjamin se réorganisèrent en tribus sur le territoire de la Tunisie et s’adonnèrent à l’agriculture et l’élevage…Ils célébrèrent leur culte dans les champs, probablement en cachette… Ils constituèrent ce que l’on appelle les tribus juives.
Quel fut le destin de ces ‘’tribus juives’’ après leur arrivée sur le sol tunisien ?
Tout d’abord, elles prirent part dans les premiers siècles qui suivirent leur implantation en Tunisie, à toutes les phases de l’histoire de ce pays, y exerçant une certaine influence. Ainsi lors la domination des vandales, des grecs, de la conquête musulmane… L’histoire permet de suivre de façon détaillée leur parcours sur ces siècles.
La période des guerres interarabes allait toutefois marquer une étape décisive de leur histoire, ponctuée de tentatives de conversion forcée et de massacres. Selon Didier Cazes auteur d’un ‘’ Essai sur l’histoire des juifs de Tunisie’’, lors de ces guerres interarabes, ‘’les tribus juives’’ se réunirent en armes sous la conduite de leur chef Benjamin, fils de José, fils d’Eliezer, dans la vallée de Testour où elles firent leur jonction avec l’armée d’Imam Edriss.
Mais, une fois sa victoire assurée Imam Edriss voulut forcer les juifs à embrasser l’Islam. La guerre éclata alors entre juifs et musulmans avec des péripéties de défaites et de victoires tantôt pour les uns, tantôt pour les autres, jusqu’à la victoire écrasante des musulmans sur les juifs, dont la conversion forcée à l’Islam fut alors entreprise.
Les ‘’tribus juives’’ connurent après cet épisode, un déclin irrémédiable.
’’Certains embrassèrent l’Islam et se mêlèrent au reste de la population. D’autres quittèrent le pays et émigrèrent vers le sud. Un grand nombre se décida à s’établir dans les villes, pour y rejoindre leurs coreligionnaires depuis longtemps sédentarisés, et y exercer différents métiers. Ce fut le cas notamment à Kairouan, puis Tunis (à partir du 11ème siècle), puis Mehdia, Djerba, Hammamet, Sfax (à partir du 13ème siècle) ’’. (Cazes dans ‘’ Essai sur histoire des juifs de Tunisie’’).
Le déclin de ces tribus juives se poursuivra tout au long des siècles ultérieurs, par installation dans les villes. Postérieurement au 13eme siècle, les membres des tribus juives deviendront largement minoritaires, mais se maintiendront encore, en tant que groupe particulier, pendant plus de six siècles.
On continuera alors à croiser ces tribus juives, se déplaçant entre l’Algérie et la Tunisie, jusqu’au début du vingtième siècle. Près de 2000 ans après leur implantation sur le sol Tunisien, les toutes dernières traces de ces ‘’tribus juives’’, issues de l’exode de l’an 70, se retrouvent dans quelques très rares endroits, et notamment dans la communauté juive du Kef.
Ils sont alors désignés par leurs correligionnaires installés en ville comme ’’Bahouzim ’’ (ou encore ’’Bahoussiya ’’) c'est-à-dire comme juifs nomades. Ce terme de Bahouzim provient de l’hébreu ’’Bahouts ’’ qui signifie ’’être en dehors de’’ et désigne en fait les juifs extérieurs à la ville, les juifs nomades
’’Il ne restait plus que quelques minuscules enclaves hébraïques sans âme, ni chef spirituel d’envergure pour leur redonner force et vitalité….Ce n’est que deux siècles plus tard, avec l’arrivée des juifs d’Espagne que le judaïsme put renaître de ses cendres dans le Maghreb. Les seuls rescapés des tribus oubliées sont ces juifs nomades, appelés Bahouzim, que l’on rencontrait encore au 19eme siècle’’. (Didier Nebot)
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